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Taxe Carbone : les prémices

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Michel Rocard saluant quelqu'un

La Taxe Carbone est LE sujet d'actualité en cette rentrée 2009, c'est (un peu) compliqué, c'est (très) polémique, du coup tout le monde s'empoigne dessus, politiques de tous bords et associations de consommateurs, et les sondages finissent de semer le trouble : 66% des français seraient contre la Taxe Carbone, dans un sondage paru avant qu'on en connaisse exactement la teneur (le président doit annoncer ses décisions le 10 septembre) !

Tout d'abord, il convient de rappeler que la Taxe Carbone est le surnom de ce qui s'appelle en réalité la Contribution Climat-Energie (ou CCE), et dont l'idée est de taxer les émissions de CO2 (ou dioxyde de carbone). Ces émissions sont produites essentiellement en utilisant des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz), car leur combustion engendre l'émission de CO2 (donc de carbone). Le CO2 est un gaz à effet de serre,  et le principal responsable lié à l'activité humaine des dérèglements climatiques.
L'objectif de la mise en place de cette contribution CCE est précisée dans le rapport Rocard : "L'enjeu est de pousser notre société vers des pratiques et des comportements moins dispendieux en carbone et de déterminer s’il est possible de le faire par voie fiscale, en créant une contribution climat-énergie. Il s’agit d'une réforme considérable qui porte en germe une refonte de tout notre système fiscal."

La Taxe Carbone prendra la forme suivante : dès 2010, le prix de la tonne de CO2 émise sera fixé (le gouvernement a finalement statué pour 17 euros la tonne). Ce coût devrait augmenter progressivement  pour atteindre 100 euros la tonne en 2030 (c'est en tout cas la proposition du rapport Rocard, issue de travaux antérieurs). Ce coût sera répercuté sur les coûts des énergies fossiles responsables des émissions de GES : pétrole (donc l'essence, le gazole, le fuel), gaz, charbon.

NB :  on peut taxer les émissions de CO2 à l'achat de l'énergie fossile c'est à dire AVANT l'émission du CO2, car on ne mesure pas les émissions, on les calcule : on peut calculer exactement la quantité  de CO2 qu'émettra un baril de pétrole, par exemple, parce qu'on connaît la composition du pétrole. Le reste, c'est de la chimie : le pétrole, en brûlant, engendre du CO2. La composition du pétrole varie, bien sûr, alors c'est une moyenne, mais compte tenu des  énormes quantités de pétrole concernées, le résultat est assez exact.

Précisions qu'aucun politique ne conteste actuellement le fait qu'en matière de Climat, il faut agir vite. D'une part parce que les experts internationaux sur le climat (ceux du G.I.E.C., notamment) le clament depuis un bon moment, et d'autre part parce que la France a des objectifs nationaux et internationaux à respecter. Donc, les objectifs affichés par le rapport Rocard et par le gouvernement pour mettre en place une Taxe Carbone ne sont pas contestés, d'autant que les candidats de l'essentiel des partis ont signé, pendant la campagne présidentielle de 2007, le Pacte Ecologique de Nicolas Hulot (dont  la  Taxe Carbone était l'une des propositions) !

NB : l'augmentation progressive et programmée du prix des émissions de CO2 n'est pas une idée nouvelle, c'est une idée avancée depuis longtemps par certains écologistes, experts environnementaux ou économistes. Le plus souvent, l'idée était plutôt de mettre en place une telle taxe sur les énergies fossiles, en particulier le pétrole. Récemment, dans un de ses livres, Jean-Marc Jancovici reprenait ainsi l'idée d'une augmentation de l'imposition sur le pétrole visant à faire augmenter son prix plus rapidement que l'inflation afin d'inciter le consommateur, progressivement, à se passer de pétrole. Plus récemment, c'est Nicolas Hulot qui usait de son pouvoir médiatique pour faire avancer l'idée d'une Taxe Carbone (il est intéressant de noter au passage que Nicolas Hulot préconise la mise en place de la Taxe Carbone au niveau européen, pour éviter que les entreprises françaises soient pénalisées).

Ainsi, les diverses polémiques autour de la Taxe Carbone ne proviennent pas d'une contestation de ses objectifs affichés mais d'une contestation de la méthode mise en oeuvre, des objectifs "réels" supposés, de l'efficacité de la taxe elle-même ou  de l'injustice - anticipée - de l'utilisation des fonds récoltés :

  • La taxe est soupçonnée dès l'origine d'être antisociale, parce qu'elle a été annoncée - maladroitement - en même temps que la disparition de la taxe professionnelle - sachant que la taxe professionnelle est une taxe payée par les seules entreprises, alors que la taxe Carbone doit toucher entreprises et particuliers.
  • Elle est soupçonnée d'être antisociale car elle coûterait cher à certaines catégories de population peu aisées - les habitants de banlieue lointaine ou de la campagne - et peu à d'autres catégories, plutôt aisées - les "bobos".
  • Elle est taxée d'inefficacité, accusée de n'être pas à la hauteur de l'enjeu - elle rajouterait, au tarif de17 centimes la tonne de CO2 le plus probable actuellement - 4 centimes par litre de carburant, quand l'augmentation qu'a connu le pétrole ces dernières années a causé une augmentation de 30 centimes...
  • On lui reproche d'être un soutien au nucléaire : malgré son nom exact de "contribution Climat-Energie", elle ne concerne pas toutes les énergies car l'électricité devrait être exemptée, donc favorisée, notamment pour les solutions de chauffage.
  • Elle est accusée d'être un moyen pour Sarkozy de peindre en vert à peu de frais sa politique, et d'un autre coté, les opposants à cette taxe - notamment ceux du PS - sont taxés de démagogie,
  • Le battage autour de la Taxe Carbone est accusé d'être une très bonne diversion par rapport aux autres sujets qui auraient pu enflammer la rentrée (mécontentement social en tête)
  • Enfin, même si les écologistes reconnaissent souvent qu'elle pourrait être un pas en avant, ils craignent un peu le traitement que lui fera subir le gouvernement - et les conséquences pour l'avenir de la fiscalité écologique, à laquelle ils croient beaucoup et qui risquerait d'être décrédibilisée.

Nous verrons donc, dans l'article suivant, quelles furent les arbitrages du président Sarkozy et son équipe (Chantal Jouanno, Jean-Louis Borloo, Eric Woerth, Christine Lagarde...), et ce qu'on peut en penser, en attendant que la Taxe Carbone soit discutée à l'assemblée puis mise en place.

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