Copenhague se dégonfle

Lundi, 21 Décembre 2009 19:50 Matchail
Imprimer
Le soir tombe sur une journée nuageuse

Oui, c'est le constat, triste : Copenhague se dégonfle comme un soufflé.

Ce sommet était gonflé de nos espoirs, à nous citoyens préoccupés des questions environnementales et de l'avenir. Il était gonflé de toute l'énergie, du volontarisme et de l'espoir, aussi, des ONG investies dans ce combat : les Amis de la Terre, Greenpeace, Avaaz, WWF, 350.org, etc. Elles voyaient dans ce sommet, qui dans ses objectifs mêlait la question du réchauffement climatique et celles du développement, une belle chance. Une chance de provoquer les confrontations nécessaires entre les pays occidentaux, responsables jusqu'ici du réchauffement climatique, et les pays émergents et en développement, qui ne demandent pas mieux que de se développer selon un modèle plus "durable" que le nôtre, pourvu qu'on les y aide, en tout cas qu'on ne leur mette pas trop de bâtons dans les roues, comme on sait si bien le faire.

Eh bien non ! Certes, il y a eu des confrontations, mais elles ont fini en jus de boudin, ou ont tourné en rond, chacun ne semblant voir le problème que par son petit bout de lorgnette national. Il y avait pourtant une affirmation non contestée partagée par tous les protagonistes : il y a nécessité à lutter efficacement et rapidement contre les émissions de CO2. Mais après, tout se complique. Les pays occidentaux ont cherché à éviter de s'engager, pour éviter des dépenses que tout le monde s'accorde pourtant à trouver nécessaires. Chacun a cherché à préserver... je ne sais pas quoi... Ses industries ? Ses lobbies ? Son électorat ? En tout cas, les divisions l'ont emporté. Les pays développés ne se sont engagés sur rien : aucun objectif chiffré de réduction des émissions, aucun moyen sérieux pour accompagner les pays en développement et émergents pour affronter les changements climatiques et se développer selon un modèle moins polluant que le nôtre. Du coup, les pays émergents et en voie de développement ne se sont engagés sur rien non plus. Bravo.

Tout juste la montagne a-t-elle accouché d'une petite souris timorée, un embryon de texte, une déclaration d'intentions reprenant des choses déjà dites mille fois (« Il faut limiter le réchauffement climatique à +2°C ») ou sans une once de contrainte (« on renégocie ça en 2016 », « 10 milliards de dollars par an aux pays pauvres pour les 3 prochaines années », au lieu des 100 nécessaires à minima), bla bla bla... Bref, rien du tout. D'ailleurs en réfléchissant bien, cette idée de se donner rendez-vous en 2016, ça ressemble au résultat de toutes ces réunions, au boulot, où l'on ne décide de rien et où on n'arrive à se mettre d'accord que sur la date de la prochaine réunion. Vu comme ça, vous voyez comme c'est pathétique ?
Aparté : évidemment pas d'accord sur la déforestation, non plus. Same player, play again !

D'ailleurs, cette déclaration, dit la légende, est l'«oeuvre» de quelques uns des protagonistes, essentiellement les pays occidentaux, qui l'auraient rédigée en coulisses, à la toute fin, comme on fait ses devoirs sur ses genoux dans le couloir du lycée juste avant d'entrer en cours...
On comprend mieux l'idée : pour ne pas avoir à assumer un échec, donc à devoir faire quelque chose de sérieux la dernière fois, il fallait sortir quelque chose, vite ! On peut imaginer la suite, si elle est dans le même esprit : la prochaine fois, ceux qui ont pondu la déclaration se retrancheront derrière pour éviter d'avoir à s'engager réellement. Auront-ils alors le culot d'exiger des non-signataires de la signer avant d'aller plus loin ? Pour l'instant, seuls quelques pays l'ont signée, et il n'est pas impossible que les pays émergents et en voie de développement ne la signent pas. Les pays ayant écrit cette déclaration pourraient alors se draper dans leur dignité, ne rien faire, et accuser les autres. C'est une vision cynique, espérons qu'elle restera une vision.

Il aurait mieux fallu que rien ne sorte de Copenhague, voilà qui aurait été le vrai reflet de la conférence ! Un aveu honnête, la reconnaissance des dissensions fortes existantes. La reconnaissance qu'il faudrait cravacher pour créer une vraie gouvernance internationale pour l'environnement et le développement. Au moins, l'échec cuisant permettait d'espérer la remise en question du modèle actuel de gouvernance sur ces questions.
Ce faux accord sonne déjà le glas des espoirs de Copenhague, il pourrait sonner en plus le glas des espoirs de gouvernance internationale pour les questions globales comme le climat, le développement...

Sarkozy, Obama et les autres, après avoir chacun tenté de se faire passer pour le sauveur de Copenhague, en gesticulant tant et plus, essayent de nous faire croire maintenant à une victoire... Il y a du boulot ! Si je ne doute pas qu'il y ait des décisions très adultes derrière certains de ces évènements, la communication de nos dirigeants m'a fait penser à une mise en scène faite par des enfants. Il y a des fessées qui se perdent !

1 - On sait que le libre échange, c'est surtout pour eux : nous, on aide nos producteurs, nos exportations, et on fait ce qu'on peut pour récupérer leurs ressources précieuses (pétrole, diamant, uranium, etc.)...

2 - Réactions de négociateurs ou dirigeants :

Le président américain Barack Obama : « Pour la première fois dans l'histoire, toutes les grandes économies en sont venues ensemble à assumer leur responsabilité d'agir pour faire face à la menace des changements climatiques. »

Le président français, Nicolas Sarkozy : « L'accord n'est pas parfait », mais c'est « le meilleur accord possible. »

La chancelière allemande Angela Merkel : « La seule solution alternative à l'accord aurait été un échec. »

Le président du petit État de Tuvalu, Ian Fry , dont le pays situé dans le Pacifique est menacé par la montée des eaux: « C'est comme si on nous offrait trente pièces d'argent pour trahir notre peuple et notre avenir. »

Le délégué du Soudan, Lumumba Stanislas Dia-ping : « Les événements d'aujourd'hui sont réellement les pires de l'histoire dans les négociations sur les changements climatiques. »

La représentante du Venezuela, Claudia Salerno Caldera : « Vous allez entériner ce coup d'État contre les Nations unies. »

Le président de l'ONG Les Amis de la Terre-International, Nnimmo Bassey : « En retardant l'action, les pays riches ont condamné des millions de personnes parmi les plus pauvres du monde à la faim, à la souffrance et à perdre leur vie avec l'accélération des changements climatiques. »