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Revenons, si vous le voulez bien, sur l'étude anglaise de la FSA dont tous les médias ont parlé récemment, et dont la conclusion était : les aliments bio ne sont pas meilleurs, du point de vue des apports en nutriments, que les aliments non-bio. Cette étude a été faite par la Food Standard Agency (FSA), l'équivalent de notre Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments (AFSSA). La FSA a ainsi étudié 55 travaux scientifiques - parmi environ 150 - portant sur l'apport nutritif des aliments bio par rapport aux aliments "classiques".
Mais les médias français d'information générale, friands de créer la polémique lorsqu'il n'y a pas lieu (ce qui les incite parfois à des procédés un peu racoleurs), ont titré leurs articles / reportages d'une façon qui pouvait semer la confusion : "Manger « bio » n’aurait aucun intérêt pour la santé" par-ici, "Les bénéfices du «bio» en question" par-là...
Rappelons simplement quelques éléments, car manger bio, c'est meilleur à de nombreux points de vue :
- Cette étude ne s'intéressait qu'à la valeur nutritive des aliments, c'est à dire aux différents apports en vitamines, minéraux, etc. C'est ce qui est souvent précisé. Mais il n'était pas précisé, à ma connaissance, quels nutriments : car là aussi des choix ont été faits. Comme le précise le site Univers Nature en se basant sur les déclarations de Nature et Progrès et du MDRGF, la FSA ne s'est intéressée qu'aux apports en calcium, en fer et en vitamine C pour évaluer la qualité nutritionnelle des produits bio, laissant de coté d'autres nutriments tels le magnésium ou le zinc, présents - en moyenne- en plus grande quantité dans les aliments bio.
- L'étude de la FSA ne parle pas de la qualité globale des aliments pour la santé humaine, en tenant compte - entre autres - des résidus de pesticides (cf l'étude du MDRGF) ! C'est un choix méthodologique possible, mais il est évident que les médias auraient dû en parler de façon beaucoup plus claire.
- L'étude laisse également de coté l'intérêt environnemental de l'agriculture bio : pas d'ajouts de nitrates - responsables du développement des algues vertes en Bretagne - ni de pesticides - empoisonnant l'environnement local et dont les résidus se retrouvent dans le corps humain. Il y a également la délocalisation des productions d'usage dans l'agriculture "classique" - qui entraîne une consommation de pétrole et des émissions de gaz à effet de serre lors du trajet du producteur vers le consommateur - mais l'agriculture bio étant encore marginale, on a souvent recours, en France, à des importations pour les produits bio.
- Enfin, il y a une dernière chose dont les médias auraient dû parler, car même s'il faut admettre que cela n'était pas l'objet de l'étude c'est essentiel de l'avoir en tête lorsqu'on pense à l'évolution souhaitable de notre alimentation - en ne parlant pas uniquement du "bio", ce qui est restrictif. La chaîne n°5 l'a fait, dans l'émissions C dans l'air (comme quoi, le service public, quoi qu'on en dise...), et elle le dit très bien : "manger bio", ce n'est pas seulement remplacer chaque aliment classique par son équivalent bio. Ou plutôt c'est la première étape. Rapidement, l'évolution se fait "vers une alimentation plus végétarisée", c'est à dire vers des aliments plus authentiques ayant un impact moindre sur l'environnement (c'est parfois le but recherché, pas toujours, mais souvent un effet collatéral positif). Ainsi, on achètera des sucres et farines moins raffinés, qui sont meilleurs question nutriments (de même pour les produits à base de sucre ou de farines). On ira également vers moins de plats tout prêts, trop riches en sel et sucre. Vers moins de viande, évidemment, l'alimentation très carnée ayant une grande part de responsabilité dans nos émissions de gaz à effet de serre.
Si cette étude a eu tant de couverture médiatique, ce n'est pas qu'elle révèle une vérité ou un scandale (une étude de l'AFSSA avait déjà conclu cela en 2003, et cette étude n'excluait pas les aspects environnementaux). L'étude de la FSA permet simplement aux médias de "faire un buzz". Elle donne quelques arguments au ennemis du bio, à tous ceux qui essayent de continuer à promouvoir l'agriculture productiviste et à ceux qui n'ont pas envie de changer leur alimentation (et en ont probablement marre qu'on leur fasse la morale). Dommage que les médias n'aient pas relayé aussi bien en 2003 l'étude de l'AFSSA, ou qu'elle n'ait pas rappelé son existence à cette occasion, alors même que les preuves s'accumulent de la nocivité environnementale, sociale et éthique de l'agriculture productiviste.
Bref, le bio c'est quand même meilleur pour la santé (pas de résidus de pesticides et autres produits chimiques, pas d'OGM), c'est meilleur pour la planète (pour les mêmes raisons, et aussi pour les émissions de GES lorsqu'on produira assez de bio en France), c'est meilleur pour les animaux (lire l'article de rue 89 sur le livre "Bidoche", à sortir bientôt), et cela tend à être meilleur pour l'ensemble des humains travaillant dans l'agriculture ! Reste à promouvoir encore le bio au niveau politique, si possible européen, afin que la production puisse faire face à la demande*. Car pour l'instant une bonne partie du bio consommé en France vient de l'étranger - même pour des produits compatibles avec nos climats - avec ce que cela implique en consommation de pétrole et en émissions de CO2 inutiles.
Pour en savoir plus :
Si vous avez 11 minutes, regardez le très bon documentaire de France 5 : http://www.france5.fr/c-dans-l-air/index-fr.php?page=resume&id_rubrique=1228
Vous pouvez aussi jeter un oeil au rapport de l'AFSSA : http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Ra-AgriBio.pdf
Ou sur sa synthèse en anglais : http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Sy-AgriBioEN.pdf
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