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Extrait des paroles de Michel Onfray, lors d'une rencontre avec la rédaction de Siné Hebdo, interview parue dans le n°60, sorti le 28 octobre :
Siné Hebdo : Plus globalement, comment croyez-vous qu'on puisse sortir de la crise ? Vous parlez de "capitalisme libertaire"...
Michel Onfray : Oui, ça me vaut nombre d'insultes de la part d'un certain nombre de gardiens du dogme anarchiste ou gauchiste. Pour moi, une partie d'entre eux sont des curés, des croyants plongés dans leur catéchisme, qui croient que la vérité historique dialectique d'un moment est éternelle. Ils répètent : "Bakounine a dit" comme les scolastiques du Moyen-Âge disaient "le maître a dit"... (...) Au XIXe siècle, le libéralisme s'ajoute au capitalisme. Le libéralisme, c'est un mode de répartition des richesses défini par le marché qui fait la loi, toute la loi. Le capitalisme, lui, peut être soviétique. Il peut être financier, comme celui qui vient de s'effondrer. On a connu le capitalisme consumériste (...) Maintenant, les phases se succèdent. La question est : est-ce qu'on pourrait avoir un capitalisme libertaire ? (...) Si on garde le principe du capitalisme, c'est-à-dire la production des richesses par des moyens privés, et qu'on lui ajoute la répartition des bénéfices sur un principe libertaire, cela ne me paraît pas du tout impossible... (...) Mais pour l'instant, ce qui se profile serait plutôt un capitalisme écologiste, politiquement correct. On est dans un retour de la culpabilité judéo-chrétienne. Les gens sont contents car on leur donne une nouvelle religion, une religion verte. Et la passion pour l'agenouillement est grande..."
Même si toute l'interview est passionnante, c'est le dernier point qui intéresse Billet écolo : cette idée que l'écologie est en train de devenir la nouvelle religion, et qu'elle nous incite à des comportements proches de ceux des croyants, avec la culpabilité - j'ai laissé la lumière allumée, je prends ma voiture au lieu d'y aller en vélo... - et la morale qui l'accompagnent. Dans ce passage, Michel Onfray "dit clairement tout ce que je ressens confusément" (jolie expression employée récemment par Albert Dupontel, sur Dailymotion). En effet, ce risque existe. Non pas que l'écologie défendue sur Billet écolo porte en soi une doctrine religieuse - au contraire, elle se veut éthique, coopérative, et, surtout, incitant à réfléchir par soi-même. Mais parce que l'écologie qui a la faveur des politiques et des médias, le "Développement Durable" - c'est cela, semble-t-il, que Michel Onfray appelle "capitalisme écologiste" - est effectivement en train de devenir une religion verte.
On pourrait aussi remarquer que l'écologie possède ses intégristes (possédant la vérité ultime et donc assez peu ouverts à la discussion), ses prophètes (médiatiques - Hulot, Al Gore - ou plus confidentiels - P. Rahbi, Ivan Illich), et ses membres du clergé cyniques utilisant l'écologie pour vendre, manipuler l'opinion ou acquérir du pouvoir ou de la notoriété... Mais c'est sans doute lié plus à la nature des humains qu'à l'écologie elle-même.
Ainsi, le Développement Durable ayant la faveur des médias et des politiques, il semble intéressant de s'interroger sur les similarités entre cette forme d'écologie et une religion, et sur les conséquences de ce rapprochement.
Le philosophe soulève là une question vraiment passionnante, j'y reviendrai très probablement sur Billet écolo !
Bonus :
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Michel Onfray chez Siné Hebdo, un bout d'interview : http://www.sinehebdo.eu/2009/10/28/michel-onfray/
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Michel Onfray chez Siné Hebdo, un autre bout d'interview : http://www.sinehebdo.eu/2009/10/28/michel-onfray/2/
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Un extrait de texte d'Ivan Illich sur un blog, à propos de l'automobile : http://carfree.free.fr/index.php/2008/09/07/conduire-pour-travailler-ou-travailler-pour-conduire/
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Commentaires
Ne serait-il pas alors aussi le grand-prêtre de la gadgetisation de la science ? Lui qui est pour les OGM, les nano-techs, le nucléaire, ce qui va il ne le précise que rarement avec toutes les innovations du luxe et du superficiel (mais qui suis-je pour en juger ? Ce que vous êtes pour m'en juger..)
Au final, il y a des places méritocratiques à acquérir et conserver. Il faut être très 'philosophe' pour ne pas comprendre que toute hiérarchie donne le même résultat à terme : celui que nous connaissons. Il faut être en revanche médiocre anthroplogue...
Bonjour, je ne comprend pas quels sont les éléments qui vous invitent à écrire qu'ivan Illich pourrait faire partie des cupides et intéressés que vous citez dans votre article. Ces temps je bois justement les paroles de ce personnage et ses propos me paraissent relativement désintéressés (et brillants vu qu'ils datent du temps de ma naissance ou toutes les dérives de notre civilisation n'étaient pas encore forcément évidentes).
Merci pour votre réponse
L'article n'était pas vraiment axé sur les personnes mais sur "l'air du temps" voire la récupération des pensées généreuses de l'écologie et de ses penseurs, avec les phénomènes de greenwashing et cette acceptation générale que l'écologie c'est important, sauf que l'écologie "grand public", celle qui est relayée partout, est un très largement polluée par un mélange d'hypocrisie, de morale et d'ignorance (ce en quoi le parallèle avec la religion est assez juste).
Pour finir, si je devais parler d'Ivan Illich ou de Pierre Rahbi en détail, je dirais probablement qu'ils font partie des penseurs désintéressés qui interviennent pour nous éclairer d'un point de vue atypique, passionnant et très précurseur (donc toujours très actuel) !
J'ai jamais entendu une connerie aussi imposante que "capitalisme libertaire".
Bakounine et Marx "ont dit", mais eux, ils avaient aussi reflechi ! Qu'est ce que la production capitaliste ? C'est pas la production privee, michel. C'est la production rendu possible, non par une decision privee, mais par un capital. Qu'est ce que le capital, c'est une somme de titre de dette papier (argent), que le capitaliste possede et qui lui permette d'obtenir du travail de la part de ceux qui n'en possede pas (de titre). Ceux ci, les salaries, n'ont pas d'autre choix que de travailler pour ceux qui ont du capital et possedent les moyens de production. Le travail forcé et l'accaparement des biens de production: Super comme contexte libertaire. Lire un peu d'economie avant d'en parler !
Le capitalisme ne se confond avec aucun des concepts precedents mais recouvre le concept d'argent et le fait de pouvoir acheter de la force de travail.
Il n'a rien compris a l'anarchie, qui est une critique fondamental du travail, du salariat et de l'argent (c'est a dire d'abandonne tout pouvoir de decision et de se vendre corps et ame a un projet de production qui nous est nuisible).
Ce qui est penible c'est qu'Onfray n'ai aucun contradicteur mediatique... mais c'est justement la force des medias de nous pondre ce genre de fast food de la pensee et de tuer le debat chez les gens qui n'ont pas acces a la parole mediatique et n'en veulent surtout pas.
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